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Morgane Lafont

Droit dans les yeux

« On ne dit jamais assez aux gens qu’on aime,
de peur de les déranger, qu’on les aime ! »


Louis, Mathieu, Joseph, Anna Chedid, avril 2011

Préface

Je me lance aujourd’hui dans l’écriture d’un livre, de « mon livre », une façon différente d’exprimer les choses et surtout les sentiments. C’est vrai que je ressens le besoin de me confier, de parler de choses plus ou moins difficiles ou simplement du changement d’une vie.

Aujourd’hui je suis une jeune femme de vingt- cinq ans et je suis devenue malvoyante il y a cinq ans à la suite d’une maladie très rare. Ma déficience visuelle a entraîné le changement radical de ma vie. On dit souvent que cela n’arrive pas qu’aux autres, en effet j’ai bien compris maintenant le sens de cette phrase. On n’est jamais préparé à vivre de tels moments, la découverte d’une maladie, qui a entraîné par la suite de graves séquelles sur mes yeux et ma vision.

J’ai besoin à travers ce livre de me confier sur les moments vécus, de donner de la force aux personnes dans la même situation que la mienne, car moi, aujourd’hui j’en suis devenue plus forte. Je suis née Morgane L. et je suis devenue une autre Morgane L. et cette nouvelle « Moi » a eu des difficultés à se construire, à s’aimer, à s’écouter, à s’épanouir, et surtout, à accepter le regard des autres. Dans la société actuelle, on juge beaucoup, on juge d’abord, sans connaître les vraies valeurs de la personne, savoir ce qu’elle dégage, son passé, son histoire. C’est triste à dire, mais le monde est fait de beaucoup de personnes qui fonctionnent ainsi. Je les appelle des « personnes polluantes », elles ne t’aident pas à avancer, et sans qu›elles le sachent, te font sombrer encore plus.

C’est ce regard-là, qui te fait te sentir encore plus en situation de handicap. Il est déjà très dur de l’accepter soi-même, ça l’est encore plus quand on n’est pas bien entourée.

Je ne remercierais jamais assez mes chers parents, mon compagnon, ma sœur, ma famille et mes quelques amies d’avoir toujours été là, de m’avoir soutenue, de m’avoir souvent prêté leurs bras pour pleurer, de m’avoir aidée dans ma longue reconstruction, puis de m’avoir permis de devenir ce que je suis aujourd’hui.

Je suis fière à l’heure actuelle d’être cette nouvelle Morgane L, car oui, c’est bel et bien moi et je serai la même jusqu’à la fin de ma vie. J’ai grandi et appris énormément à travers toutes les épreuves que j’ai traversées.

J’aimerais que toute personne, concernée par une problématique de santé, retienne et médite la réponse faite par le professeur Revol Olivier, Neuropsychiatre de renom, à un médecin qui l’interpellait récemment à l’occasion d’un colloque à Nice :

«  Le diagnostic posé n’est pas un destin ! »

Avant-propos

13 juin 2017. Cela fait trois ans que je veux raconter une tranche de vie, la mienne, sans jamais y parvenir.

Les mots sont troublés de pleurs, et quand ils ne le sont pas, ils ne rendent pas compte des émotions que je voudrais tant décrire.

Aujourd’hui, j’attends quelqu’un qui devrait pouvoir m’aider. Je me demande bien comment va se passer cette rencontre. Une émotion de plus, une anxiété qui a vocation à me libérer un peu !

Tout est en place pour ce moment. Il fait beau, Léo a pris du temps pour « sécuriser » ce rendez-vous. Même mon petit chien, mon Dobby d’amour, veille. Aucun retard, il est 14h et comme prévu, ce Limougeaud à l’accent toulousain, s’arrête devant la maison. Ça y est, je vais enfin me lancer concrètement. J’ai tellement envie et besoin de revenir sur mes expériences douloureuses subies de plein fouet à vingt ans. Cinq ans maintenant que tout ceci est arrivé. Juste vingt ans, l’insouciance, la vie à pleines dents, mais voilà…

J’imaginais rentrer immédiatement dans le sujet, mais il me conseille et doucement je me détends. Pourquoi démarrer par un propos lourd voire anxiogène. Non ! il a raison. Il faut que je me replonge sur ces premières années de tranche de vie, mon environnement, ma famille, ce qui m’a construit, ce qui m’a rendu résistante finalement à cette grande frustration vécue plus tard. Quelle chance, je vais pouvoir dire enfin à chacun combien il a été important, repenser aux moments de bonheur insouciants, réfléchir à cette évolution forcée qui m’a projetée violemment d’une condition de jeune femme en éclosion à un état de maturité à réinventer.

Doucement, nous commençons. Finalement, tout est simple. Il suffit de ne rien omettre ni personne et ça c’est loin d’être évident. À chaud, ainsi, comment ne pas oublier de mettre en avant les gens et les choses qui ont terriblement compté. Parfois on en est tout juste conscient. Je suis désolée par avance pour tous ceux qui ne seraient pas cités, il n’y aura là aucune malice. Mais que ce moment va être intéressant et utile !

Que dire de l’autorité de Madame Roselyne M. qui m’a tellement impressionnée, moi, la petite fille timide et anxieuse de CM1 –pourquoi vraiment, je n’en sais trop rien. Et Monsieur P., ce professeur de dessin totalement  « perché », cet artiste à la grande barbe d’un autre monde, qui m’aimait bien car finalement je lui ressemblais. Sans doute lui dois-je cette aspiration particulière pour l’artistique, la danse, la musique, le dessin. Que de beaux moments à raconter finalement !

Je ne pensais pas procéder ainsi et je réalise que mettre en forme l’histoire de ma jeune vie est finalement une très grande chance. Quel plaisir de pouvoir revenir sur ce que j’ai vécu, dans cette famille nombreuse, présente, aimante et secourable. Je sais déjà que je lui dois, même si cela n’a pas été toujours facile, ma capacité de résistance et de lutte. Cette résilience d’aujourd’hui je la lui dédie. Une nouvelle fois, merci ! Je vous prends par la main et vous invite avec un énorme plaisir, vous mes parents, mes ami(e)s, mes confident(e)s, mes soignant(e)s, tous mes proches et tous ceux qui demain auront à lutter contre l’adversité, à découvrir, vu par moi, le « chemin éclairé de la mal voyance ».